Retourner dans le tunnel noir qui s’éclaire par endroits
il réveille les sons, les appels de la voix annoncent le départ
le départ pour le long couloir, montre en main ne pas rater le train ou avion
tant de pieds, tant de têtes qui voudraient avancer, je reviens, tu reviens
ils reviennent dans le long tunnel noir qui s’éclaire par endroits
mâchoire serrée, dents parfaitement emboitées, nul besoin de parler
juste se laisser emporter
2007
le vent charrie avec force la masse de mauvaises pensées que l’homme a pu accumuler de jour en jour d’année en année
le boulet au bout de la chaîne frappe le cerveau de l’homme, fracassé de la sorte il prend conscience de ses neurones touchés, percé de part en part il se libère de ses blocages, de ses peurs ancestrales
le vent charrie avec lui l’esprit de l’homme, il le dépose à ses pieds, il peut maintenant le prendre dans ses mains,
le regarder sous toutes ses formes, le modeler, le caresser, le consoler
le vent charrie le sable qui cingle et fouette le corps de l’homme, fenêtre et porte fermées le vent devient muet
et il comprend tout son passé
le vent muet secoue les arbres une fois à droite une fois à gauche même le regard de l’homme est fouetté
sous le feuillage de l’arbre
pourtant bien accroché son coeur chavire, prit de panique, il se cramponne aux accoudoirs, son écharpe autour du cou le protège, les chaussures à ses pieds le voilà enfin prêt, il part affronter la tempête, il bondit à grosses enjambées, la tête et le corps léger
2015
têtes pleines, têtes d’humains si fières si curieuses si interrogatives si craintives
toutes alignées sur des dizaines de rangs, ne pas vouloir les compter
trop encombrées par tant de cheveux, poussière blanchâtre se pose sur eux
les mains, les pieds sont emportés, soulevés pour le temps d’un spectacle
spectacle de leurs vie qui se déroule sous leurs yeux et l’angoisse resurgit
nausée, chaleur, ennui, oubli
2015
attendre que le vent vienne, assise sur une chaise, la terre est ferme et le ciel règne
2010
le moustique agonise sous le son des canons pourtant il cherche encore à toucher sa cible
mais pas de chance, la main l’écrase, les coups de canons éclatent et assassinent le sommeil de l’homme
le moustique à l’agonie pousse des petits cris que personne n’entend plus
dans un autre espace temps, l’ouverture, la fente s’ouvre entre les deux mondes et laisse juste entrevoir
le moustique encore vivant
les images muettes avancent sans les mots
les mots se collent les uns aux autres sans les images
et laissent les hommes inertes comme devenus aveugles et sourds
leurs cerveaux grands ouverts restent pourtant aux aguets, bouche bée, bras ballants
dans l’attente que les mots et les images
mots et images vagabondent dans le même espace temps que le moustique
coupable ou non coupable?
2012
le temps d’un sourire et le mouvement du corps se met en marche
le sourire se fige dans la nuit morcelée de pensées
le mouvement du Coeur demande la fin de la nuit — que le jour vienne et l’emporte!
qu’il emporte tous les morcellements pour les relier les uns aux autres
les relier à l’infini aussi bien dans le jour que dans la nuit
2008
le dessin de l’oiseau sur la feuille l’arbre prend forme par la fonte des neiges
2009
la poule se déguise en coq
le coq se déguise en poule
la poule en coq, furète du regard, redresse le cou
picore, tricote, redresse encore le cou, bombe le torse
fière elle est d’être déguisée en coq pour une poule rousse
Le coq en poule, calme et heureux d’avoir laissé sa place se prélasse
il tapote de la main, pianote, pointe du doigt en direction de la petite poule rousse
il regarde les trois portes, regarde les trois toits de couleur grise
et l’un d’entre eux lui dit : elles ne sont pas encore parties
2008
Je ne veux voir sortir personne
attendons un peu sous la pluie que les gens passent
que les jours passent, que tout s’efface
Il y a ce coup de téléphone
il est pourtant déjà trop tard
mieux vaut en rire qu’en pleurer
je suis assise là par terre
devant la vitrine du magasin là ou les gens passent
où ils se regardent où ils s’arrêtent où ils repartent
C’est bien moi qui suis posée là
dans le visible où l’invisible, être vue quand il le faut
où quand il ne le faut pas
Sur le trottoir d’en face
quelqu’un cherche du regard
la sonnerie du téléphone se fait entendre jusqu’à moi
2008
OUI - tousse - crache - casse - débris de verre - bruit de ferraille qui gicle du sol au mur
2007
mange, prie, aime
elle se secoue, s’exhibe, se contorsionne
mange, prie, aime
à en perdre connaissance
gout amer, le dégout sur les lèvres
mange, prie, aime
mange, prie, aime
c’est ce quelle pense, l’alliance au doigt
le dialogue se fait entendre entre elle et le vieil homme
elle dit tomber de sommeil son corps penche sur le côté
son lourd collier d’or cogne sur la canne du vieil homme
mange, prie, aime
adieu la femme au ventre rond
elle doit cracher le démon installé au fond d’elle
il est entré au plus profond de ses organes, de ses entrailles
chacun d’entre eux crie, pleure et hurle de douleur
femme éloigne-toi de moi et emporte tous tes démons
va les cracher en pleins désert - va les cracher du haut de la falaise
va les cracher dans la nuit noire et plante un pieu en chacun d’eux
que le sang coule et se répande sur tout les lieux - là où tes pas se sont posés
terre et montagne ont peur de toi - de tes démons
adieu la femme épargne-moi
plus ne te sert de manger, de prier ou d’aimer
2008